PERFORMANCE DURABLE DES PME CAMEROUNAISES : FORTEMENT HYPOTHEQUEE PAR LA QUALITE DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

PERFORMANCE DURABLE DES PME CAMEROUNAISES : FORTEMENT HYPOTHEQUEE PAR LA QUALITE DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Nous avons relevé dans un précédent article qu’il est réducteur de retenir le but de l’entreprise privée, notamment de la PME, comme celui de faire du profit, mais qu’il faudrait y intégrer la notion de durabilité : pour que ce but soit plutôt celui de faire du profit de façon durable. Ce concept de durabilité nous a permis de mettre en évidence l’importance de la vitalité physique, mentale et spirituelle du dirigeant d’entreprise en général et des dirigeants des PME en particulier. Un dirigeant en pleine santé, c’est très bien, mais qu’en est-il de la qualité de la gestion des relations avec les parties prenantes de l’entreprise, notamment les ressources humaines dont la qualité de la relation devrait être une priorité ? En effet, si nous définissons la Gestion des Ressources Humaines (GRH) d’une organisation comme l’ensemble des activités qui visent à la mobilisation des talents et des énergies des individus dans le but de contribuer à la réalisation de la mission, de la vision, de la stratégie et des objectifs organisationnels de l’entreprise, alors la qualité de cette GRH est déterminante pour la durabilité de la performance des entreprises en général et des PME en particulier.

Il n’y a pas de performance à long terme si le dirigeant de la PME ne répond pas de façon durable aux besoins de son personnel. Mais, le peut-il vraiment ?

Quel que soit le niveau d’automatisation, de numérisation ou de digitalisation, l’entreprise continuera d’être un système social avec des hommes et des femmes qui y travaillent ou qui consomment les produits ou services. Or tout être humain a des besoins à satisfaire du besoin allant selon Maslow des plus physiologiques (nourriture, sommeil, sexualité…) au besoin d’accomplissement en passant par les besoins de sécurité, d’appartenance et d’estime. Quand ces besoins ne sont pas satisfaits, pire quand le salarié ne voit aucune perspective quant à la possibilité qu’ils le soient à court et/ou moyen terme, sa motivation cesse d’être à la hauteur de soutenir la performance des prochaines années ; l’entreprise qui est performante aujourd’hui ne le sera probablement pas demain car au lieu d’être un moteur de la croissance, le personnel devient un frein à celle-ci. Aujourd’hui de nombreuses PME camerounaises jugées performantes sur la base de leur forte rentabilité, sont souvent dans l’incapacité de répondre aux besoins de leurs salariés, et cela pour plusieurs raisons objectives.

Nous examinerons deux cas les plus récurrents.

  1. Cas des entreprises rentables mais incapables de satisfaire aux besoins primaires des salariés

Très souvent, les employés ne sont pas informés sur la santé de l’entreprise. Dans les meilleurs des cas, ils sont informés des résultats d’exploitation et pas assez de la situation de la trésorerie qui influence fortement la capacité de l’entreprise à satisfaire leurs besoins en général et leurs besoins primaires en particulier.  Autant ils sont heureux de mettre leurs talents et leurs énergies à la réalisation des activités de l’entreprise autant ils comprennent mal pourquoi leurs salaires ne sont pas payés alors que les entreprises clientes et souvent les grandes entreprises pour lesquelles ils travaillent, n’observent aucun retard de salaires, bien que ceux-ci soient souvent plus élevés.

A titre d’exemple, le personnel d’un sous-traitant, ne peut pas comprendre pourquoi le personnel du donneur d’ordre est régulièrement payé et souvent avec de plus gros salaires, alors que leurs livraisons au donneur d’ordre, sont croissantes et se font dans les délais prescrits par le donneur d’ordre. Avec cette insatisfaction, l’indicateur de rentabilité ne saurait à lui seul mesurer la performance de l’entreprise privée encore moins sa performance durable de celle-ci. Il ressort clairement de cet exemple qu’il faut prendre en compte, en plus de la rentabilité, la capacité de la PME à dégager en continue, une trésorerie positive à la hauteur de répondre aux charges courantes et particulièrement les salaires, les impôts et les cotisations sociales.

Ayant en général des contrats de courte durée avec les donneurs d’ordre, lesquels contrats sont plus des contrats d’adhésion au lieu d’être des contrats de partenariat, les PME sous-traitantes performantes aujourd’hui, ne peuvent être assurées qu’elles le seront demain et les réponses qui doivent être apportées aux besoins du personnel, sont aléatoires et stressantes à la fois pour le dirigeant et pour l’ensemble du personnel.

  1. Cas des entreprises rentables, solvables mais incapables de satisfaire aux besoins d’estime, de réalisation voire d’épanouissement

La plupart des PME rentables et solvables paient régulièrement les salaires des employés mais très peu d’entre-elles offrent aux employés les conditions (climat social, plan de carrière…) pour leur bien-être au travail.

Au sens courant, le climat social est une agrégation d’indicateurs, qui évalue périodiquement la santé sociale des salariés dans une entreprise. Il détermine le ressenti des collaborateurs à l’égard de la direction, du management, des conditions et de l’organisation du travail et des relations entre employés. En d’autres termes et de manière simplifiée, le climat social est le degré de satisfaction des collaborateurs du dirigeant de la PME. Il s’agit de l’un des défis majeurs des PME camerounaises.

Même dans les PME rentables et solvables on observe de réels manquements sur l’un et/ou l’autre des points importants que sont le dialogue social, la communication interne, le développement des compétences, du fait de l’absence d’un véritable professionnel chargé de la gestion des RH et/ou de la faible taille de l’entreprise qui ne permet pas la mise en place des organisations de concertation type syndicat du personnel ou Comité d’entreprise.

Tout ceci ne permet pas à ces entreprises de conserver les ressources clés qui lui ont permis d’atteindre ce niveau de performance. En effet ces dernières, faute de visibilité quant à la capacité de l’entreprise à répondre à leurs besoins d’estime, de reconnaissance ou d’épanouissement se tournent vers d’autres entreprises, généralement des grandes entreprises où elles espèrent trouver les conditions de travail susceptibles de répondre à leurs attentes.

Et alors, l’entreprise performante aujourd’hui a de fortes chances de ne plus être performantes demain.

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 Par THEODORET-MARIE FANSI (*)

L’Economie Quotidien N° 02438 du Mardi 04 Octobre 2022

(*) Directeur Général du Groupe CIBLE

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Comments (1)

  • Mathurin NGUEHOU ZEBAZE Répondre

    Très intéressant comme analyse.

    11 octobre 2022 à 21h44

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